Partons de l'examen du texte suivant pour répondre à ces interrogations, et d'abord celle sur la nature de la justice.
Extrait :
SOCRATE. - Ainsi nous dirons, je pense, mon cher Glaucon, que ce qui rend l'État juste, rend également l'individu juste.
GLAUCON. - C'est une conséquence nécessaire.
SOCRATE. - Nous n'avons pas non plus oublié que l'État est juste, lorsque chacun des trois ordres qui le composent remplit le devoir qui lui est propre.
GLAUCON. - Je ne crois pas que nous l'ayons oublié.
SOCRATE. - Souvenons-nous donc que, lorsque chacune des parties de nous-mêmes remplira le devoir qui lui est propre, alors nous serons justes et nous remplirons notre devoir.
GLAUCON. - Il faut nous en bien souvenir.
SOCRATE. - N'appartient-il pas à la raison de commander, puisque c'est en elle que réside la sagesse, et qu'elle est chargée de veiller sur l'âme tout entière? Et n'est-ce pas à la colère d'obéir et de la seconder ?
GLAUCON. - Oui.
SOCRATE. - Et n'est-ce pas le mélange de la musique et de la gymnastique dont nous parlions plus haut, qui mettra un parfait accord entre ces deux parties, nourrissant et fortifiant la raison par de beaux discours et par l'étude des sciences, relâchant, apaisant, adoucissant la colère par le charme de l'harmonie et du nombre?
GLAUCON. - Assurément.
SOCRATE. - Ces deux parties de l'âme ayant été ainsi élevées, instruites et exercées à remplir leurs devoirs, gouverneront la partie où siège le désir, qui occupe la plus grande partie de notre âme et qui est insatiable de sa nature ; elles prendront garde que celle-ci, après s'être accrue et fortifiée par la jouissance des plaisirs du corps, ne sorte de son domaine et ne prétende se donner sur elles une autorité qui ne lui appartient pas, et qui troublerait l'économie générale*.
PLATON, La République, livre IV, 441d-442a, dans Œuvres de Platon, tr. Victor Cousin, Rey et Gravier Libraires, 1833.
* l'économie générale : organisation générale.
Questions :
1. Relevez, dans le texte, la cause qui fait que "l'État est juste" : quelle définition de la justice pouvez-vous formuler pour l'État ?
2. Relevez également dans le texte ce qui fait que "nous serons justes" : quelle définition de la justice pouvez-vous concevoir pour l'individu ?
3. Que remarquez-vous dans les définitions de la justice pour la Cité et pour l'individu, et quel rapport pouvez vous établir avec la définition courante de la notion de justice (celle que le juge applique dans les tribunaux) : rendre à chacun ce qui lui est dû ?
4. Une vertu est une capacité à exceller dans sa fonction ou son devoir. Quant aux vertus morales, guidées par le savoir du bien, ce sont celles qui nous rendent capables de nous diriger nous-mêmes, pour vivre de la meilleure façon possible.
a) Trouvez dans le texte la définition des autres vertus que la justice : la sagesse, le courage, la tempérance.
b) La justice est-elle une vertu parmi d'autres, ou bien est-elle transversale à toutes ? Justifiez votre réponse.
5. Posséder une vertu c'est se rendre capable de maîtriser par sa raison la partie irrationnelle de son âme, pour viser un bien et le réaliser. La vertu rend apte à bien se commander soi-même sur le plan moral, et à bien commander autrui dans la Cité. Or si tous ne possèdent pas autant de vertus, alors la Cité doit être hiérarchisée de telle sorte que ceux qui en ont davantage commandent à ceux qui en ont moins.
a) Reliez les fonctions de la Cité, énumérées ci-dessous dans leur ordre hiérarchique, aux vertus que chaque fonction requiert.
b) Que remarquez-vous pour la justice, qui est l'appropriation à chacun de la bonne activité (oïkeïopragia) ?
6. On le voit, pour Platon la justice n'est pas un sentiment subjectif ou une convention artificielle, mais un principe constitutif de la nature de l'âme individuelle, ainsi que de l'organisation de la Cité. De même, un corps est puissant et en bonne santé quand tous ses organes exercent bien la fonction qui est la leur, en rapport les uns avec les autres, et avec le tout de l'organisme.
a) Cette analogie de l'organisation vitale vous paraît-elle pertinente pour penser la vertu de la justice ?
b) Quelles sont, d'après vous, ses limites ?
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